La diplomatie économique est de plus en plus associée à la stratégie globale de développement, notamment dans les pays en voie de développement, qui continuent à faire face à de multiples difficultés pour s’intégrer dans l’économie mondiale. À l’instar de ces pays, le Maroc mise sur sa diplomatie économique pour accompagner les investisseurs marocains dans leur quête des marchés subsaharienne.

Le Maroc déploie, depuis quelques années une véritable offensive économique et commerciale,  progressivement renforcée par sa diplomatie économique envers les pays de l’Afrique Subsaharienne. Cela constitue une opportunité pour une économie marocaine très dépendante de l’Union européenne et ayant une difficulté d’intégration dans l’économie mondialisée. Cependant, la question du Sahara et l’offre exportable sont deux limites d’une diplomatie engagée dans l’accompagnement du développement économique du pays.

La diplomatie économique est définie comme étant « l’ensemble des mécanismes et pratiques adoptés par des individus ou groupes, étatique ou non étatique dans le but de réaliser les objectifs économiques d’un État par le recours à des moyens politiques, ou de réaliser les objectifs politiques par le recours à des moyens économiques ». Une telle définition prend en considération l’évolution de l’environnement international et l’émergence de nouveaux acteurs dans la scène internationale.

La sortie de l’Organisation de l’union africaine a été une erreur stratégique qui a privé le Maroc d’une opportunité pour défendre ses intérêts et l’a empêché de peser sur les grandes décisions prises par l’Organisation. Conscient de cette réalité, le Maroc a opté pour un renforcement de sa diplomatie bilatérale et régionale. Fondée sur une approche stratégique, sa politique africaine repose sur une multitude de politiques bilatérales et un rapprochement réfléchi avec les différentes régions du continent.
Formes de la présence en Afrique subsaharienne :

Les acteurs agissant sur le terrain en faveur de la promotion des intérêts économiques du Maroc sont généralement les ambassades et les agences de promotion. Ces deux entités collaborent ensemble pour faciliter le contact des entrepreneurs marocains avec leurs homologues de la région. Dans ce cadre, plusieurs actions sont programmées chaque année avec un intérêt grandissant de la part du secteur privé marocain. Ainsi, des activités comme les caravanes à l’export connaissent de plus en plus un engouement remarquable de la part des centaines d’entreprises marocaines.

Au niveau bilatéral, on compte 25 représentations diplomatiques marocaines en Afrique dont 21 en Afrique Subsaharienne. Ces ambassades sont les acteurs chargés de la diplomatie économique à l’extérieur du Maroc et qui ont la capacité d’intervenir sur place afin de promouvoir l’image du Maroc. Elles ont pour vocation de promouvoir les échanges dans les pays auprès desquels elles sont accréditées et drainer les capitaux étrangers vers le marché national. En plus, certaines ambassades sont dotées de conseillers économiques avec comme principale tâche la défense des intérêts économiques du Royaume dans le pays d’accréditation. Ces conseillers économiques sont un acteur central de la stratégie nationale bilatérale. Ils sont les relais de secteur privé et jouent un rôle primordial en matière d’accompagnement des entreprises marocaines. Néanmoins, peu d’informations existent sur le rôle joué par ces conseillers et la valeur ajoutée qu’ils apportent à la diplomatie économique marocaine.

Dans le même cadre, les visites officielles est un autre aspect qui met en exergue la volonté politique d’accompagner les efforts économiques et permettent d’intensifier la projection économique des intérêts marocains dans le voisinage sud. Ainsi, dès l’intronisation du Roi Mohammed VI. Il a eu de multiples périples en Afrique Subsaharienne (21 visites officielles et 13 pays visités de 2001 à 2009). Ces visites sont généralement une occasion d’inauguration des projets de développement et signature d’accords bilatéraux. D’ailleurs, on compte plus de 300 accords, tous secteurs confondus, signés entre le Maroc et les pays d’Afrique subsaharienne durant la dernière décennie.

Outre la dimension bilatérale, les relations avec l’Afrique se développent également via une approche par groupements régionaux. L’approche du Maroc quant à sa diplomatie régionale en Afrique Subsaharienne est conçue pour dépasser le blocage de l’UMA  et la non-visibilité de statut avancé avec l’Union européenne. Ces raisons sont déterminantes dans le choix d’insertion dans le cadre de blocs régionaux en Afrique Subsaharienne. À cet égard, le Maroc développe une politique de rapprochement avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Néanmoins, l’accord avec l’UEMOA n’est pas encore entré en vigueur, parce que certains États de l’Union considèrent que leurs économies ne sont pas encore prêtes face à la concurrence des entreprises marocaines, et souhaitent au préalable la mise en place de mécanismes préférentiels en termes de tarifs et de règles d’origine.

Secteur privé : acteur de la diplomatie économique ?

La vision marocaine consiste à rendre les firmes nationales des  véritables ambassadeurs en Afrique. C’est un « puissant outil d’influence » à l’échelle internationale qui peut permettre au Maroc de « consolider son autorité à l’extérieur des frontières ». Néanmoins, le secteur privé marocain se limite à jouer le rôle de bénéficiaire des actions de la diplomatie étatique. Certes, il participe aux délégations officielles et aux commissions mixtes, mais son rôle se limite à l’accompagnement de l’action de l’État. C’est pourquoi il est difficile de parler d’une diplomatie privée indépendante de la diplomatie officielle.

D’ailleurs, c’est toute la différence avec le secteur privé turc qui devient un acteur central de rapprochement diplomatique avec les pays de l’Afrique. « Les tigres anatoliens » représente une nouvelle classe d’entrepreneurs qui exercent de plus en plus d’influence dans le processus de prises de décision et préparent actuellement toutes les visites du président et du ministre du commerce extérieur turcs. En termes de résultats, les relations diplomatiques de la Turquie avec le continent se sont métamorphosées : en l’espace d’une décennie, Ankara a triplé le nombre de ses ambassades et en compte dorénavant vingt-cinq dont quinze ont été inaugurées entre 2009 et 2010 avec comme objectif d’avoir trente ambassades à fin 2012. On parle plutôt d’une diplomatie privée au service de la diplomatie classique du pays et des intérêts géopolitiques de la Turquie dans le continent africain.

Réalisations et perspectives

L’évaluation de l’action de la diplomatie économique marocaine est freinée par l‘absence du suivi a posteriori des actions de promotion et le manque de corrélation entre une action de diplomatie économique et une opération d’exportation ou d’investissement.

La densité des efforts fournis par la diplomatie marocaine a permis de faire de l’Afrique une zone d’accueil importante pour les investissements marocains, ce qui fait du Maroc le deuxième investisseur africain sur le continent, après l’Afrique du Sud, et le premier en Afrique de l’Ouest. Cependant, ces investissements ne se traduisent pas encore par une augmentation des échanges avec l’Afrique subsaharienne. C’est-à-dire que les investisseurs marocains n’ont pas une vision globale intégrant leurs actions d’internationalisation dans le cadre d’une décomposition régionale des processus productifs.

En termes d’exportations, le solde commercial du Maroc avec l’Afrique subsaharienne s’est amélioré, passant d’un déficit de près de 7,2 millions dirhams en 2000 à un excédent de 2,7 milliards en 2010. Néanmoins, les exportations vers les pays de la région restent dominées par les produits à faible valeur ajoutée telle que les produits d’origine végétale et minérale. Par ailleurs, la structure des exportations montre que les multinationales étrangères installées au Maroc n’ont pas la même vision par rapport au marché africain et restent surtout orientées vers les marchés traditionnels.

Ces réalisations économiques de la diplomatie marocaine sont en dessous des moyens engagés et de la multitude des actions entreprises. En effet, l’élection du Maroc dès le premier tour en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU prouve que les objectifs économiques ne sont pas le seul pari de la diplomatie marocaine. La question du Sahara reste une priorité de la politique extérieure nationale. D’ailleurs, pour plusieurs observateurs. L’efficacité de la diplomatie économique marocaine est fortement liée à une résolution politique définitive du problème du Sahara.

Enfin, la réussite de la diplomatie économique passe par une nouvelle stratégie agressive englobant une bonne maîtrise de l’information stratégique, une diplomatie des contrats et une meilleure communication des success-stories des entreprises marocaines dans la région. Tout l’enjeu de la diplomatie économique consiste à trouver les bonnes sources d’informations, à identifier les bons décideurs et à les influencer dans un sens favorable aux intérêts économiques du pays. C’est la raison pour laquelle, il est nécessaire d’intégrer la diplomatie économique dans le cadre d’un dispositif national d’intelligence économique afin de mieux servir les intérêts stratégiques de l’entreprise « Maroc ».

AMINE DAFIR | LE 29/06/2012

DAFIR, Amine. Le Maroc à l’assaut de l’Afrique: rôle de la diplomatie économique. Le Cercle Les Échos, 2012, vol. 29.

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